L’action en usucapion est conditionnée à la démonstration d’actes matériels accomplis à titre de propriétaire (TGI TOULON, 08/11/19)

Dans un jugement du 8 novembre 2019, le Tribunal de grande instance de Toulon rappelle que l’action en usucapion est conditionnée à la démonstration d’actes matériels accomplis à titre de propriétaire

Dans cette affaire notre adversaire revendiquait notamment l’acquisition par usucapion d’une terrasse couverte qui figurait dans l’acte de propriété de notre client.

L’expert nommé par le Juge des référés du Tribunal de grande instance de TOULON avait estimé dans son rapport que la possession invoquée par notre adversaire sur cette terrasse remplissait les conditions de la prescription acquisitive. Il avait ainsi relevé que la possession avait été exercée « à titre de propriétaire » par les locataires successifs de l’immeuble.

Fort de ce rapport, notre adversaire avait saisi le Tribunal de grande instance de Toulon devant lequel il avait sollicité  qu’il soit fait application des dispositions relatives à la prescription acquisitive.

Il convenait donc, devant les juges, de rappeler la lettre de l’article 2261 du Code civil qui dispose que « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. »

En application de ce texte se trouve donc exclu par définition le simple détenteur qui exerce un droit précaire sur la chose, pour le compte d’autrui, et en vertu d’un acte juridique l’obligeant à la restitution (bail, prêt…),c’est-à-dire, en l’espèce, les locataires précédents.

Il manque à un tel détenteur précaire l’une des deux composantes essentielles de la possession, l’animus, c’est-à-dire de la fait de s’affirmer et d’agir en tant que propriétaire.

Il ne peut en effet y avoir de prescription acquisitive sans des « actes de possession accomplis personnellement à titre de propriétaire pendant une durée suffisante et conformément aux exigences de l’article 2229 du Code civil » (Civ.3ème, 25 février 1998 pourvoi n°96-15045). 

Les actes de possession, actes matériels susceptibles de caractériser la possession, sont exigés par la jurisprudence (Civ.1ère 10 février 1965 pourvoi n° 62-10627 ; Civ.3ème 11 juin 1992 pourvoi n°90-16439 ; Civ.3ème 9 juillet 2008 pourvoi n°07-11601 ; Civ.3ème 22 mai 2012 pourvoi n°11-14340). 

L’exercice de simples actes juridiques, tels que d’autres qu’un possesseur pourrait en faire (bail par exemple) ne peut suffire. 

L’expert ne s’étant appuyé pour justifier son appréciation que sur les précédents locataires, il avait caractérisé l’existence non pas de véritables actes de possession mais de simples actes de détention insuffisants à fonder une quelconque prescription acquisitive.

Et c’est ainsi qu’en a jugé le Tribunal de grande instance de Toulon dans sa décision en date du qui a suivi notre argumentation en retenant notamment que :

 « aucun acte ne permet de dire à quel titre les boulangers qui se sont succédé de 1948 à 1955 puis de 1978 à 1989 ont eu accès à cette terrasse couverte.

Il n’est pas possible de savoir si les boulangers étaient propriétaire des lieux, s’ils en étaient locataires, si les contrats de bails mentionnaient cette terrasse couverte ou si cette utilisation relevait d’une tolérance du propriétaire de l’époque de la parcelle cadastrée… »

Le Tribunal de grande instance de Toulon rappelle ainsi que le succès de l’action en usucapion est conditionné à la démonstration d’actes matériels accomplis à titre de propriétaire.

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